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Ecosophie 17
14 avril 2020

De la grippe de Hong Kong à Edgar Morin

« Retour progressif à la normal le 11 mai… »

L’allocution du président de la république ce lundi de pâques donne de très nombreux commentaires dans tous les sens depuis ce matin ! Est ce bien prudent que les enfants retournent à l’école? Les masques ? Les tests de dépistage ? La surveillance de chacun via nos smartphones !? Pourquoi et comment en sommes nous là ? Comment on vas faire ? C’est terrible….

Ce qui nous arrive est hors norme, personne n’aurai pu le prévoir ! Pourtant il y a de nombreux signes négatifs de nos impacts sur l’environnement : déforestation, destruction du vivant, industrialisation.. et manger tout ce qui bouge de la part des asiatiques… Tout ceci aurait pu nous donner l’alerte ! 

Et si au lieu d’être dans l’effervescence de l’instant on prenait un peu de recul. Les incas ont été décimés par la variole, apporté par les conquistadores, et les indiens d’Amérique par la rougeole (ou l’inverse !?). Moins éloigné, il y a juste 50 ans, chez nous en France, bien après la fameuse grippe dite espagnole, les français ont vécu une crise sanitaire… dans l’indifférence ! 35 000 morts dû à un virus…

Que c’est il passé pour qu’on se pense invulnérable ? On ne supporte plus aucun changement ?

Les faits :

Quand l’Europe se moquait des épidémies

La grippe de 1968 a fait un million de morts, dans l’indifférence générale. Comment et pourquoi, à cinquante ans d’écart, la société réagit-elle de manière diamétralement opposée devant le danger épidémique?

Une partie de l’essentiel : 

«Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d’hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. On n’avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir.»

«Ce changement d’attitude sociale est d’abord lié à l’espérance de vie, explique Bernardino Fantini. A l’époque, les plus de 65 ans étaient considérés comme des survivants de la mortalité naturelle. Alors qu’aujourd’hui, même la mort des personnes âgées est devenue un scandale.»

«Notre époque ne supporte plus ni l’échec, ni l’offense, ni les obstacles. Des Lumières, qui pensaient que le bonheur sur terre était possible, on est passé à l’impératif d’être heureux. Le coronavirus est un coup du sort vécu comme une offense.»

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 Texte complet : 

Quand l’Europe se moquait des épidémies

La grippe de 1968 a fait un million de morts, dans l’indifférence générale. Comment et pourquoi, à cinquante ans d’écart, la société réagit-elle de manière diamétralement opposée devant le danger épidémique?

La grippe de Hongkong, apparue en Asie en 1968, s’est propagée aux Etats-Unis, où elle a fait 50 000 morts, avant de gagner l’Europe au tournant des années 1969-1970. Rien qu’en France, le bilan s’élèvera à 35 000 décès en deux mois.  — © Bettmann/GettyImages

Laure Lugon

Publié lundi 6 avril 2020 à 10:45

1969. L’Europe a les yeux rivés sur la guerre du Vietnam, la catastrophe du Biafra, les soubresauts de Mai 68, les premiers pas de l’homme sur la Lune. Tout à la frénésie des Trente Glorieuses, le Vieux-Continent ne saurait laisser un virus venir gâcher l’ambiance. Il détourne donc le regard des hôpitaux et leur lot de misères. Pourtant, ceux-ci comptent les morts.

La faute à la grippe de Hongkong, aussi appelée grippe de 68, l’année où elle apparaît en Asie. Fin 1968, le virus débarque aux Etats-Unis, faisant plus de 50 000 victimes en trois mois. Début 1969, il s’invite en Europe, observe une pause estivale avant de provoquer une hécatombe au tournant 1969-1970: 35 000 morts en France en deux mois. Il n’épargne pas la Grande-Bretagne et franchit même le Rideau de fer.

Cité par le quotidien Libération dans un article rédigé en 2005, un médecin niçois se souvient: «Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d’hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. On n’avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir.»

La grippe de 68 tue environ un million de personnes, selon les estimations de l’OMS et se hisse ainsi sur le podium macabre des grippes du XXe siècle les plus assassines, après la «grippe espagnole» (20 à 40 millions de morts en 1918-1920) et la «grippe asiatique» (2 millions de morts en 1957).

«Le dernier cadeau de Noël»

Pourtant, ni les autorités, ni le public, ni les médias ne s’en soucient. Bien au contraire, le ton est léger, voire folâtre: «Un présentateur d’un journal télévisé parle de la grippe de 68 comme du dernier cadeau de Noël qui fait des millions de malades et quelques morts», raconte Bernardino Fantini, historien de la médecine. La presse ne fait pas exception.

Des réactions à l’extrême inverse de celles d’aujourd’hui, ou l’actualité est disséquée, relayée, parfois broyée dans la machine aux mensonges des réseaux sociaux. Autant de facteurs anxiogènes qui n’existaient pas en 1969. Georges, un Valaisan de 78 ans, se souvient: «Nous n’avions aucune recommandation particulière et pas de statistiques sur le nombre de morts de la part des autorités. C’était le beau temps où même les dangers imminents passaient inaperçus pour le commun des mortels.»

«Même la mort des personnes âgées est devenue un scandale»

Comment expliquer une telle transformation sociale en l’espace de cinquante ans, où l’on passe de l’insouciance à la terreur collective? Certes, il s’agissait d’une grippe virulente et non d’un virus inconnu, et sa vitesse de propagation était moindre. Mais ces deux épisodes révèlent tout de même des changements profonds, touchant à notre rapport à la mort, à la maîtrise, à l’individualisme: «Ce changement d’attitude sociale est d’abord lié à l’espérance de vie, explique Bernardino Fantini. A l’époque, les plus de 65 ans étaient considérés comme des survivants de la mortalité naturelle. Alors qu’aujourd’hui, même la mort des personnes âgées est devenue un scandale.»

Car avec l’individualisme progressent les droits fondamentaux: «Le droit à la santé, affirmé en 1948 par l’OMS, a gagné ce statut dans les consciences dans les années 1980, poursuit l’historien. Ressenti comme un droit personnel, il doit par conséquent être assuré par l’Etat. Alors que, dans les siècles précédents, la mort était acceptée: on mourait à la guerre, on mourait pour Dieu, personne n’y trouvait à redire.»

Tout au plus l’être humain cherchait-il les causes des maladies. Bernardino Fantini a répertorié les différentes causes avancées par nos ancêtres du Moyen Age pour expliquer la peste noire: la punition divine, bien sûr, mais aussi les astres – une mauvaise conjonction de Mars et de Vénus –, les zones putrides, la vengeance d’ennemis, le contact avec les animaux, qui va d’ailleurs déboucher sur la persécution des chats. Mais en dépit de la recherche de coupables, le fatalisme reste un refuge.

Les Lumières éteignent le fatalisme

Celui-ci commence à décliner avec les Lumières, reléguant Dieu et la providence: «La querelle entre Rousseau et Voltaire à propos du tremblement de terre de Lisbonne est révélatrice, rappelle Dominique Bourg, philosophe et professeur honoraire à l’Université de Lausanne. Rousseau, en refusant le fatalisme, préfigure la modernité. Celle-ci s’installe définitivement dans la société occidentale de l’après-guerre.»

Le mouvement amorcé est aussi soutenu par l’avènement des antibiotiques, après la Deuxième Guerre mondiale: «Auparavant, la tuberculose et d’autres maladies étaient considérées comme une fatalité, car incurables, explique Bernardino Fantini. La variole lors des épidémies tuait deux enfants sur cinq. La mort frappait à n’importe quel âge.»

En quelques années, la perspective change du tout au tout. On passe de la résignation à l’excès de confiance. Le moment charnière est l’année 1979, où l’OMS déclare la variole éradiquée. Désormais, l’humain se sent capable de vaincre les maladies. Une profession de foi que le VIH va mettre à mal, puis Ebola. Le coronavirus est le dernier clou planté dans le cercueil de cette illusion.

Pour autant, la société refuse de repenser son rapport à la mort. «Après la guerre, avec la disparition de la mortalité infantile et la progression du confort, l’Occident développe petit à petit l’idée d’un capital d’existence garanti, explique Dominique Bourg. On pense que seule l’incurie d’autrui peut vous amener à ruiner ce capital.»

D’où les réactions gouvernementales très fortes qui imposent le confinement. Est-il la conséquence d’un impératif inédit dans l’histoire de l’humanité: sauver tout le monde? Critique sur le libéralisme, le philosophe en doute et prévient: «Dans les années 1990 est aussi apparu un cynisme consistant à prétendre qu’une partie de l’humanité pourrait disparaître sans dommages. Le néolibéralisme, c’est le darwinisme total. Si la vague néolibérale et populiste s’étend, cette vision pourrait prévaloir d’ici à quelques années.»

On n’en est pas encore là. Mais déjà, des voix se font entendre pour assurer que les conséquences de l’effondrement économique seront plus mortifères que le virus.

«Notre époque ne supporte plus ni l’échec, ni l’offense, ni les obstacles»

Professeur de philosophie dans un gymnase vaudois et libéral, Enzo Santacroce, lui, voit dans le confinement une ambition quasi prométhéenne: «Ces mesures de prudence résultent d’un orgueil à rester maître, à vouloir éradiquer la mort et la souffrance de la condition humaine, des réalités aujourd’hui intolérables, mais qui l’étaient encore en 1968.» Même si, pour cela, il faut mettre l’économie en veille, comme en manière de pénitence.

C’est d’autant plus difficile au siècle de «l’euphorie perpétuelle», une thèse de Pascal Bruckner rappelée par le professeur: «Notre époque ne supporte plus ni l’échec, ni l’offense, ni les obstacles. Des Lumières, qui pensaient que le bonheur sur terre était possible, on est passé à l’impératif d’être heureux. Le coronavirus est un coup du sort vécu comme une offense.»

On sent en effet qu’au souci sanitaire vient s’ajouter une anxiété plus profonde, issue peut-être de cette menace sur un bonheur qu’on croyait acquis. «Il faut alors se souvenir, avec Blaise Pascal, qu’il y a de la grandeur à reconnaître qu’on est petit, et que la menace peut aussi conduire à trouver les ressources», conclut Enzo Santacroce. D’une illusion contemporaine qui s’achève pourrait resurgir une réponse philosophique trop vite oubliée.

 Autre lien :  La grippe de Hong Kong a fait un million de morts en 1968. Pourquoi l'avons-nous oubliée? 

Une réflexion :

Edgar Morin: «Nous devons vivre avec l'incertitude»

Une partie de l’essentiel : 

J'espère que cette crise va servir à révéler combien la science est une chose plus complexe qu’on veut le croire. C'est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées…

Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…

Je ne dis pas que la sagesse, c’est de rester toute sa vie dans sa chambre, mais ne serait-ce que sur notre mode de consommation ou d’alimentation, ce confinement est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices.

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Texte complet :

Edgar Morin: «Nous devons vivre avec l'incertitude»

06.04.2020, par Francis Lecompte

 Confiné dans sa maison à Montpellier, le philosophe Edgar Morin reste fidèle à sa vision globale de la société. La crise épidémique, nous dit-il, doit nous apprendre à mieux comprendre la science et à vivre avec l’incertitude. Et à retrouver une forme d’humanisme.

 La pandémie du coronavirus a remis brutalement la science au centre de la société. Celle-ci va-t-elle en sortir transformée ?

Edgar Morin : Ce qui me frappe, c’est qu’une grande partie du public considérait la science comme le répertoire des vérités absolues, des affirmations irréfutables. Et tout le monde était rassuré de voir que le président s’était entouré d’un conseil scientifique. Mais que s’est-il passé ? Très rapidement, on s’est rendu compte que ces scientifiques défendaient des points de vue très différents parfois contradictoires, que ce soit sur les mesures à prendre, les nouveaux remèdes éventuels pour répondre à l’urgence, la validité de tel ou tel médicament, la durée des essais cliniques à engager… Toutes ces controverses introduisent le doute dans l’esprit des citoyens.

 Vous voulez dire que le public risque de perdre confiance en la science ?

E.M. : Non, s’il comprend que les sciences vivent et progressent par la controverse. Les débats autour de la chloroquine, par exemple, ont permis de poser la question de l’alternative entre urgence ou prudence. Le monde scientifique avait déjà connu de fortes controverses au moment de l’apparition du sida, dans les années 1980. Or, ce que nous ont montré les philosophes des sciences, c’est précisément que les controverses font partie inhérente de la recherche. Celle-ci en a même besoin pour progresser.

Malheureusement, très peu de scientifiques ont lu Karl Popper, qui a établi qu’une théorie scientifique n’est telle que si elle est réfutable, Gaston Bachelard, qui a posé le problème de la complexité de la connaissance, ou encore Thomas Kuhn, qui a bien montré comment l’histoire des sciences est un processus discontinu. Trop de scientifiques ignorent l’apport de ces grands épistémologues et travaillent encore dans une optique dogmatique.

La crise actuelle sera-t-elle de nature à modifier cette vision de la science ?

E.M. : Je ne peux pas le prédire, mais j’espère qu’elle va servir à révéler combien la science est une chose plus complexe qu’on veut bien le croire – qu’on se place d’ailleurs du côté de ceux qui l’envisagent comme un catalogue de dogmes, ou de ceux qui ne voient les scientifiques que comme autant de Diafoirus (charlatan dans la pièce Le Malade imaginaire de Molière, Ndlr) sans cesse en train de se contredire…

La science est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées, bien que ses modes de vérification soient plus rigoureux. Malgré cela, les grandes théories admises tendent à se dogmatiser, et les grands innovateurs ont toujours eu du mal à faire reconnaitre leurs découvertes. L’épisode que nous vivons aujourd'hui peut donc être le bon moment pour faire prendre conscience, aux citoyens comme aux chercheurs eux-mêmes, de la nécessité de comprendre que les théories scientifiques ne sont pas absolues, comme les dogmes des religions, mais biodégradables...

La catastrophe sanitaire, ou la situation inédite de confinement que nous vivons actuellement : qu’est-ce qui est, selon vous, le plus marquant ?

E.M. : Il n’y a pas lieu d’établir une hiérarchie entre ces deux situations, puisque leur enchaînement a été chronologique et débouche sur une crise qu’on peut dire de civilisation, car elle nous oblige à changer nos comportements et change nos existences, au niveau local comme au niveau planétaire. Tout cela est un ensemble complexe. Si on veut l’envisager d’un point de vue philosophique, il faut tenter de faire la connexion entre toutes ces crises et réfléchir avant tout sur l’incertitude, qui en est la principale caractéristique. 

Ce qui est très intéressant, dans la crise du coronavirus, c’est qu’on n’a encore aucune certitude sur l’origine même de ce virus, ni sur ses différentes formes, les populations auxquelles il s’attaque, ses degrés de nocivité… Mais nous traversons également une grande incertitude sur toutes les conséquences de l’épidémie dans tous les domaines, sociaux, économiques...

Mais en quoi ces incertitudes forment-elles, selon vous, le lien entre ces toutes ces crises ?

E.M. : Parce que nous devons apprendre à les accepter et à vivre avec elles, alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, quand on nous a décrit avec précision ce qui va nous arriver en 2025 ! L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. Toutes les assurances sociales auxquelles vous pouvez souscrire ne seront jamais capables de vous garantir que vous ne tomberez pas malade ou que vous serez heureux en ménage ! Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…  

C’est votre propre règle de vie ?

E.M. C’est plutôt le résultat de mon expérience. J’ai assisté à tant d’événements imprévus dans ma vie – de la résistance soviétique dans les années 1930 à la chute de l’URSS, pour ne parler que de deux faits historiques improbables avant leur venue – que cela fait partie de ma façon d’être. Je ne vis pas dans l’angoisse permanente, mais je m’attends à ce que surgissent des événements plus ou moins catastrophiques. Je ne dis pas que j’avais prévu l’épidémie actuelle, mais je dis par exemple depuis plusieurs années qu’avec la dégradation de notre biosphère, nous devons nous préparer à des catastrophes. Oui, cela fait partie de ma philosophie : « Attends-toi à l’inattendu. »

En outre, je me préoccupe du sort du monde après avoir compris, en lisant Heidegger en 1960, que nous vivons dans l’ère planétaire, puis en 2000 que la globalisation est un processus pouvant provoquer autant de nuisances que de bienfaits. J’observe aussi que le déchaînement incontrôlé du développement techno-économique, animé par une soif illimitée de profit et favorisé par une politique néolibérale généralisée, est devenu nocif et provoque des crises de toutes sortes… À partir de ce moment-là, je suis intellectuellement préparé à faire face à l’inattendu, à affronter les bouleversements.

Pour s’en tenir à la France, comment jugez-vous la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics ?

E.M. : Je regrette que certains besoins aient été niés, comme celui du port du masque, uniquement pour… masquer le fait qu’il n’y en avait pas ! On a dit aussi : les tests ne servent à rien, uniquement pour camoufler le fait qu’on n’en avait pas non plus. Il serait humain de reconnaître que des erreurs ont été commises et qu’on va les corriger. La responsabilité passe par la reconnaissance de ses erreurs. Cela dit, j’ai observé que, dès son premier discours de crise, le président Macron n’a pas parlé que des entreprises, il a parlé des salariés et des travailleurs. C’est un premier changement ! Espérons qu’il finisse par se libérer du monde financier : il a même évoqué la possibilité de changer le modèle de développement…

Allons-nous alors vers un changement économique ?

E.M. Notre système fondé sur la compétitivité et la rentabilité a souvent de graves conséquences sur les conditions de travail. La pratique massive du télétravail qu’entraîne le confinement peut contribuer à changer le fonctionnement des entreprises encore trop hiérarchiques ou autoritaires. La crise actuelle peut accélérer aussi le retour à la production locale et l’abandon de toute cette industrie du jetable, en redonnant du même coup du travail aux artisans et au commerce de proximité. Dans cette période où les syndicats sont très affaiblis, ce sont toutes ces actions collectives qui peuvent peser pour améliorer les conditions de travail.

Sommes-nous en train de vivre un changement politique, où les rapports entre l’individu et le collectif se transforment ?

E.M. : L’intérêt individuel dominait tout, et voilà que les solidarités se réveillent. Regardez le monde hospitalier : ce secteur était dans un état de dissensions et de mécontentements profonds, mais, devant l’afflux de malades, il fait preuve d’une solidarité extraordinaire. Même confinée, la population l’a bien compris en applaudissant, le soir, tous ces gens qui se dévouent et travaillent pour elle. C’est incontestablement un moment de progrès, en tout cas au niveau national.

Malheureusement, on ne peut pas parler d’un réveil de la solidarité humaine ou planétaire. Pourtant nous étions déjà, êtres humains de tous les pays, confrontés aux mêmes problèmes face à la dégradation de l’environnement ou au cynisme économique. Alors qu’aujourd'hui, du Nigeria à Nouvelle-Zélande, nous nous retrouvons tous confinés, nous devrions prendre conscience que nos destins sont liés, que nous le voulions ou non. Ce serait le moment de rafraîchir notre humanisme, car tant que nous ne verrons pas l’humanité comme une communauté de destin, nous ne pourrons pas pousser les gouvernements à agir dans un sens novateur.

Que peut nous apprendre le philosophe que vous êtes pour passer ces longues périodes de confinement ?

E.M. : C’est vrai que pour beaucoup d’entre nous qui vivons une grande partie de notre vie hors de chez nous, ce brusque confinement peut représenter une gêne terrible. Je pense que ça peut être l’occasion de réfléchir, de se demander ce qui, dans notre vie, relève du frivole ou de l’inutile. Je ne dis pas que la sagesse, c’est de rester toute sa vie dans sa chambre, mais ne serait-ce que sur notre mode de consommation ou d’alimentation, c’est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices, le moment de s’en désintoxiquer. C’est aussi l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie. ♦

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Commentaires
J
Re..désolé..<br /> <br /> Une dernière pour garder espoir et..sourire..<br /> <br /> « Retour progressif à la normal le 11 mai… »<br /> <br /> Là, pour le coup, ce n’est pas le..11 septembre, mais bien le..11 mai, et nous concernant..<br /> <br /> Comme dirait, ou aurait pu dire..Macron: » Désolé..je suis..désolé.. »..pour cette prolongation du..confinement…<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=ZLKZKmdZEjM<br /> <br /> Gorillaz - Désolé ft. Fatoumata Diawara (Episode Two)<br /> <br /> Voilà pour le côté "Fun" sans être, pour autant..provocateur..<br /> <br /> Bon après-midi comme fin d'après-midi, bonne fin de journée, à plus..Denis.
Répondre
J
Re..<br /> <br /> « Retour progressif à la normal le 11 mai… »<br /> <br /> Le déconfinement, lorsqu'il se fera, sera d'un très grand risque pour pouvoir éviter une seconde vague de contamination surtout !..<br /> <br /> Un peu..d'humour..n'en déplaise..<br /> <br /> Quand Corona touche au sacré...<br /> <br /> Les émirs saoudiens ne sont pas au bout de leurs peines. Après avoir été confinés en 2018 par le prince Mohamed Ben Selman au Ritz-Carlton de Riyad pour les guérir du virus de la corruption (voir ici), les voilà à nouveau confinés pour cause de...Coronavirus (voir ici). Ils seraient 150 membres de la famille royale à être touchés. Leur lieu de confinement VIP est l'un des plus protégés du royaume. <br /> <br /> http://www.debatunisie.com/archives/2020/04/13/38196390.html<br /> <br /> Maintenant que Corona touche au sacré, il y a sérieusement lieu de paniquer...Mais que fout donc Allah ?<br /> <br /> Je ne dis pas cela, pour me moquer des..religions, loin de là, ni d'une..religion (encore moins..), mais, force est de constater que l'humour existe, bel et bien, au travers des religions..<br /> <br /> Voilà pour ce petit rajout et sinon petit raccourci, en guise de..détente..<br /> <br /> Bonne journée encore, à plus..Denis.
Répondre
J
Bonjour Nicolas.<br /> <br /> « Retour progressif à la normal le 11 mai… »<br /> <br /> J'ai suivi, avec attention, le discours de Macron, hier soir, sans pour autant être "prostré", ni encore moins "prostré", à genoux, comme un élève, endoctriné, devant son maître et gourou..je ris..<br /> <br /> Je l'avais dit, et ce dès le départ, que nous en aurions, au bas mot, au moins pour deux à trois mois, pour..commencer..<br /> <br /> Là, pour le coup, ce n'est pas le..11 septembre, mais bien le..11 mai, et nous concernant..<br /> <br /> « Retour progressif à la normal le 11 mai… »<br /> <br /> Le retour "progressif", avec le déconfinement (peut-être..), ne pourra se faire que si tout le monde respecte bien le..confinement, jusqu'au..11 mai, tout comme les règles de non circulation, en limitations de déplacements, pour les seuls soins ou en pharmacie, tout comme sur le plan de l'alimentation, en grande surface ou en mode "drive", sans oublier les règles barrière, dont pour le lavage des mains, au savon de Marseille (bien meilleur..) ou avec ce gel hydroalcoolique..<br /> <br /> D'ici là, et après le 11 mai, tout pourra être remis en question..ou pas..<br /> <br /> Pour ma part, on en aura, au bas mot pour..jusque fin juillet, n'en déplaise !..<br /> <br /> "Nous devons vivre avec l'incertitude.." Cela a existé de tout temps, et ce, depuis la nuit des temps, et pas que pour..l'expression..<br /> <br /> Et après..ou..Le Monde d'après..<br /> <br /> Il n'y aura pas de Monde d'après, vu par moi seul..<br /> <br /> Car, après, et comme avant, tout continuera comme..avant..bien avant cette crise de ce Coronavirus et COVID 19..<br /> <br /> Pourquoi ? Ma foi, c'est simple, comme pour "Tchernobyl", comme pour "Fukushima-Daiichi"..on en a pas retenu, pour autant les leçons, bien au contraire, et on fait (feint..) comme si cela n'avait pas ou..jamais..existé !..<br /> <br /> Les enjeux économiques, à travers le Monde sont tels que tous les plus grands pays(pays riches..aussi..), pays producteurs surtout aussi, continueront..inlassablement d'extraire les matières carbonées, dont pétrole et gaz, sans oublier tous les métaux, dont métaux rares, et ainsi détruire toujours plus et d'avantage..jusqu'à la dernière goutte de pétrole extraite..un point c'est tout..Lamentable !!!..<br /> <br /> Personnellement, j'espère une réelle prise de conscience, à l'échelle de la Planète, tout comme pour l'Europe (cette Europe galvaudée et qui, malheureusement, n'en est plus une..), comme pour notre pays, la France, vers un retour et une refondation totale de nos entreprises, avec une relocalisation massive et plus que raisonnée, et une "vraie" production nationale, dans un tas de domaines, dont l'agriculture, afin de nous rendre moins fragiles et dépendants aussi et surtout..<br /> <br /> Il suffit de se rappeler de De Gaulle, et pour ça, en parlant d'une industrie forte et indépendante, une économie forte et indépendante..<br /> <br /> Or, dès que l'ancien (je n'aime pas parler ainsi de lui..Le Grand Charles..) a disparu de la sellette politique et après son décès, tout le monde s'est engouffré dans ces dérives et en profits..no comment..dérive d'une mauvaise gestion, dérive de la dérision des humains, de la classe politique, de nos dirigeants comme gouvernements et gouvernants successifs en présidents..faux gestionnaires, sans réelles connaissances sur le plan économique, tant pour les choix et plans de progression, tout en étant tourné vers l'avenir..On en est là !!!<br /> <br /> Je souhaiterais (cela reste et sinon restera..un voeu pieux et personnel..)que la quatrième révolution soit bien "Verte", et sur un plan général, respectueux de la nature et de l'environnement, de l'air comme de l'eau...<br /> <br /> Bonne journée, bonne semaine, à plus..Denis.
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